Bordeaux

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Téléchargea la bibliographie non exhaustive du Colloque Intimité dévoilée, jusqu'où peut aller le soin ?

28 novembre 2025

lundi 1 décembre 2025

Retour sur le Colloque Intimité dévoilée, jusqu'où peut aller le soin ?

Près de 170 participants ont assisté au Colloque « Intimité dévoilée, jusqu’où peut aller le soin » le vendredi 28 novembre : une belle participation et des échanges nourris ! Un colloque organisé par l'ERENA site Aquitain en collaboration avec l'IMS Académie, centre de formation du CHU de Bordeaux.

Que sommes-nous prêts à accepter au nom du soin, dans le soin ? Ce colloque a proposé de dérouler le fil d’une situation vécue. A travers cette situation, les intervenants ont interrogé les frontières de l’intime à l’épreuve des soins et de l’accompagnement. Qu’est-ce que l’intimité d’une personne et en quoi peut-elle être menacée ? En situation de soin, cette incursion dans l’intimité physique ou psychique peut s’avérer nécessaire. Mais elle pose néanmoins question(s).

Cette question du respect de l'intimité dans le cadre des soins et de l'accompagnement a été abordée sous différents angles, juridique, philosophique et celui du soignant. (consulter l’argumentaire dans son intégralité)

En introduction, le Pr Véronique Avérous, directrice de l’ERENA et du site d’appui aquitain, a exploré quelques notions et questionnements liés à l’intimité dans le soin, parmi lesquels : comment trouver « la juste distance entre proximité et éloignement trop marqué » (J Ricot) ? Comment concilier deux obligations, celle de protéger l’intimité et de procurer des soins parfois invasifs ? Comment trouver le bon équilibre entre le respect de l’autonomie de la personne et la reconnaissance de ses besoins ? L’intimité est le lieu de la construction identitaire pour la personne, nécessitant des espaces de discrétion et de choix libres. 

 

Le cadre juridique de l'intimité

Marie Lamarche, professeur de droit privé à l’Université de Bordeaux, a rappelé ce qu’englobe le droit au respect de la vie privée, qui inclut l’intimité : Le respect du corps (inviolabilité du corps humain, sauf en médecine ; l’image du corps et l’intimité ; le respect du au corps du défunt) ; les informations génétiques ; l’état de santé physique ou mental ; les mœurs et l’intimité sexuelle ; les relations sentimentales ; l’esprit (intimité spirituelle, émotionnelle et morale) ; le mode de vie…

A quelles conditions peut-on alors entrer dans l’intimité de la personne :

-          Demander le consentement de la personne, et n’entrer dans son intimité qu’en cas de besoin, avec précaution ; accepter le refus ;

-          Quand le consentement est recueilli de manière adéquate, éclairée, il servira de « fait justificatif » à l’intrusion dans l’intimité, qui doit rester proportionnelle au soin donné.

 

Les expériences et les travaux de soignants

Une table ronde sur le thème de « L’intimité à l’épreuve des organisations et des lieux de soins et d’accompagnement » a réuni des professionnels d’horizons et de professions divers ainsi qu'un bénévole de l'association de visite des malades à domicile et en établissement VMEH. (voir programme)

L’intimité est à discuter sous différents aspects : organisationnel, communicationnel, relationnel, architectural… en équipe pluriprofessionnelle. Dans un établissement, tout le monde est concerné : direction, soignants, équipe technique… Les intervenants ont évoqué les situations qui viennent mettre en tension ce respect de l’intimité : la chambre double à l’hôpital, les box ouverts, la toilette précipitée, les gestes de soin mécaniques, les interventions au domicile où parfois jusqu’à 14 intervenants se succèdent par semaine…

La personne malade doit cheminer pour accepter cette intrusion inéluctable dans son intimité, même consentie, souvent subie. La maladie et les organisations viennent dévoiler l’intimité de la personne soignée, de manière presque intrinsèque : forcément son intimité est touchée à un moment de la prise en charge.

Quels sont alors les leviers, en tant que professionnel, pour respecter et faire respecter au mieux l’intimité du patient ? Il ne faut jamais banaliser ces prises en charge qui « touchent » à l’intimité : l’important n’est pas la solution trouvée ou « bricolée » pour préserver une intimité, mais plutôt comment elle est verbalisée, expliquer, de quelle manière cette « effraction », cette « intrusion » forcée sont évoquées ?

Les interventions suivantes ont poursuivi la réflexion sur l’intrusion dans l’intimité physique et psychique.

Quel impact dans la relation de soin, sur le patient, sur le soignant quand cette intimité est blessée ? Les patients vont mettre en place des processus dissociatifs, partiellement : ils acquiescent à cette intrusion, se résignent. C’est aussi vrai pour le soignant, par exemple lors des toilettes trop vite faites qui écorchent ses valeurs : le professionnel met aussi de la distance avec ce qu’il fait, il « banalise » ces gestes de soins.

L’intimité psychique est très importante en santé mentale. Et elle est très interrogée. L’intrusion dans l’intimité y est souvent appréhendée comme nécessaire, mais elle peut être vécue comme une contrainte.

En santé mentale, les informations données par le patient, recueillies par les professionnels, deviennent symptômes puis classement nosographique. Mais toute information est-elle bonne à savoir, toute question est-elle bonne à poser ? Quelles sont alors les conditions de possibilité du dévoilement de l’intime, pour atteindre une relation de confiance entre le soigné et le soignant ? Il faut une attention sensible, difficile et exigeante. C’est savoir dire à la personne soignée qu’elle n’est pas obligée de répondre à toutes les questions, qu’elle a le droit de ne pas aborder certains sujets. Quand, dans le discours du patient, les scènes traumatiques sont répétées, se rejouent, le professionnel doit se questionner, ne pas céder à une forme de voyeurisme. L’intimité en psychiatrie est liée à la perte d’intimité, avec des patients ayant un intime très poreux.

Une autre intervention a abordé la question de la mise à nu du corps dans le soin, une nudité contrainte qui, si l’on n’y prend garde, peut devenir l’objet d’une humiliation.

Claire Marin : « quand ils auront tout vu, tout exploré, mon corps ne m’appartiendra plus, qu’importe alors que je le néglige, que je le rejette ». Dans le soin, l’accès au corps n’a qu’un but : soigner ; et pourtant la nudité est difficilement vécue. La toilette - les soins d’hygiène – est un moment particulier pour les corps dépendants.

 

La réflexion philosophique et éthique

Quelques réflexions d’Eric Fiat, philosophe :

Les questions éthiques se posent lorsque le soignant se trouve dans des situations où il ne peut « ni » et « ni ne pas » : "je ne peux ni ne pas la laver de force, ni la laver de force". L’éthique est cet effort engagé pour essayer de rendre le tragique moins tragique.

Ce regard qui "me" regarde m’oblige à tourner les yeux : un visage humain ne se regarde pas longuement, droitement sans porter atteinte à l’intimité, à la pudeur de la personne.

Comment faire pour que la pudeur ne dégénère pas en honte ? Pudeur vient de pudere qui veut dire avoir honte ; la pudeur est une possibilité de honte. Seul un patient pudique peut avoir honte. Le pudique s’exprime par la litote ou par l’euphémisme. Le honteux se tait. Comment aider ce patient pudique ? Par un regard pudique, le tact du regard, le tact du geste qui empêche la pudeur de devenir honte.

Pour bien agir, il faut agir au moment opportun : kairos. Il est souvent difficile de trouver la juste mesure. Et pourtant, il faut que ce geste de soin soit fait. Et pour qu’il soit fait, il faut prendre le temps de la discussion, du recueil du consentement. Mais le manque de temps empêche souvent cette délicatesse "kairologique". Consentir dans le soin, serait-ce alors dire oui à ce à quoi nous n’aurions pas dit oui dans un autre cadre ?

 

Pour aller plus loin :

Nous vous proposons une bibliographie non-exhaustive sur le thème de l’intimité dans le soin et l’accompagnement (télécharger la bibliographie)

L’ouvrage coordonné par Miguel Jean et Aurélien Dutier est un incontournable sur le sujet.

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